La musique est première pour Judicaël, comme l'exprime le rythme ascendant des touches de couleur, notes échappées du clavier pour une nouvelle partition.
C’est en effet d’une véritable transposition qu’il s’agit, avec le thème et les variations, l’harmonie et la tonalité particulière à chacune des toiles. Cette « Stimmung » qu’on pourrait rapporter à l’ « état d’âme » et qui prend forme par la musique se dépose alors sur la toile et témoigne des Correspondances ainsi mises en œuvre par l’artiste.

Marie-Claude Lambotte - Philosophe

Les notes musicales continuent de s’étager verticalement; « il faut monter la couleur » dit Judicaël, et le temps de la musique s’imprime dans le geste du peintre au sein d’un « espace vital » ainsi tracé. C’est le dessin qui, comme un canevas sur la toile, permettra la première esquisse (…) « il faut avoir le dessin dans la tête, comme les orientaux ».
Le dessin coloré commence donc à remplir la toile jusqu’à ce que l’artiste mette celle-ci « en péril » en procédant à son effacement par grattage (…) l’artiste se retrouve sans assurance devant ce qu’elle nomme elle-même un « magma », sorte de moment chaotique d’où, cependant, prendra forme la force véritable de l’inspiration.

Marie-Claude Lambotte - Philosophe

Le dessin disparu, la peinture envahit toute la toile dans cette aspiration verticale harmonique qui donne aux visages leur expression particulière. « Je monte la couleur pour dresser ces faces » ; et les faces apparaissent, en effet, exécutées en l’espace d’un même élan tendu qui rappelle la manière orientale. (…) Après le moment nécessaire de la « mise en péril » de la toile et du risque du « magma », nait l’épiphanie des visages et la force de leur inéluctable présence.

Marie-Claude Lambotte - Philosophe

« C’est moi qui mets le regard ».. Et l’œil usé d’une statue du Louvre devient sous le pinceau de Judicaël un œil énigmatique qui semble hésiter à s’ouvrir et qui conserve ainsi quelque chose de l’incertitude de son apparition. Ou bien encore un œil qui ne voit pas, témoin peut-être de ce temps d’effacement et de solitude dans la démarche du peintre, passage obligé de la création. (…) Le concours des différentes disciplines- la sculpture qui anime le dessin, le dessin qui anime à son tour la peinture pour lui laisser enfin toute la place sous l’emprise de la musique – s’impose comme les couches superposées de l’œuvre qui acquiert ainsi histoire et vie. Telle est bien la marque d’une œuvre dans la puissance de son interpellation.

Marie-Claude Lambotte - Philosophe